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Le secteur diamantaire anversois perd de son éclat

Les chiffres sont en net recul. La faute à la géopolitique, aux réglementations mais aussi à la structuration de ce domaine d’activités, l’un des moteurs de l’économie de la ville portuaire.

ARCHIV - 19.03.2013, Belgien, Antwerpen: Ein Diamant wird geschliffen. Die EU-Staaten haben ein neues Paket mit Sanktionen gegen Russland beschlossen. Foto: Oliver Berg/dpa +++ dpa-Bildfunk +++
  • Max Helleff

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21/11/2024

Si les diamants sont éternels, la place diamantaire anversoise semble l’être beaucoup moins. Selon le quotidien flamand Gazet van Antwerpen, sa situation serait carrément catastrophique. Le commerce de diamant serait historiquement au plus bas dans la ville portuaire belge. Le mot «effondrement» est prononcé par des experts.

Avec 86 % des diamants bruts mondiaux et 50 % des diamants polis transitant par Anvers, ce marché génère ici environ 37 milliards de dollars par an.Lire aussi :«L’or est hors système et les gens aiment ça»

Si l’on s’en tient aux seules importations toutefois, au cours des neuf premiers mois de cette année, «seulement» 3,4 milliards de dollars de diamants bruts ont été importés à Anvers. Soit une baisse de 38 % par rapport à la même période de l’année dernière. Au cours de la décennie écoulée, les importations de diamants bruts ont diminué de 70 % dans la ville flamande.

La situation est jugée préoccupante. «Ces chiffres sont implacables», a expliqué le président du Conseil supérieur du diamant Koen Vandenbempt sur les ondes de la radio publique Radio 1. «L’ensemble du secteur traverse une période de grande turbulence, y compris Anvers».

Le boycott des diamants russes

L’origine de ce recul est à trouver dans le boycott des diamants russes par le G7, les 7 pays industriels démocratiques les plus riches, et par l’Union européenne. La Russie, premier producteur mondial de diamants bruts, représentait 35% en volume et 25% en valeur des diamants traités à Anvers. Ville qui a été directement touchée par le boycott alors que Dubaï, une de ses principales concurrentes, n’est guère impactée. Les diamants russes continuent à s’y négocier sans réels obstacles, les Emirats arabes unis proposant un environnement fiscal et réglementaire beaucoup plus léger.

Depuis 2003, cette fois à l’échelon planétaire, le processus de Kimberley vise à exclure du négoce les diamants finançant des conflits. Mais il est critiqué pour sa lenteur et sa définition restreinte des «diamants de la guerre», ce qui limite son efficacité contre certaines violations des droits humains et autres formes d’exploitation.Lire aussi :Le parking bientôt plus cher à Bruxelles pour les «grosses bagnoles»?

De son côté, la Belgique a renforcé sa réglementation sur la traçabilité et les audits financiers. Si ces dispositions ont aussi pour but d’améliorer l’image éthique de la place anversoise qui se targue de ne pas toucher aux «diamants de sang», l’ombre de pratiques douteuses plane toujours sur le secteur. La dissiper implique une charge juridique et administrative lourde, comparée à des hubs comme Dubaï, Singapour ou Hong Kong, où les restrictions sont moindres.

L’éthique semble être ici davantage qu’un mot. C’est aussi une question d’attractivité. Les millenials et la génération Z, qui attachent plus d’importance à l’éthique et à la durabilité, privilégient en effet des diamants traçables ou artificiels. Cette exigence oblige le secteur à se conformer à des standards élevés, parfois coûteux pour les petites entreprises.

Ce qui peut passer pour une contrainte est toutefois un atout : l’exigence de traçabilité oblige la place anversoise à faire montre de transparence, ce qui contribue à redorer son blason et pourrait la sauver du naufrage annoncé.

Ces diamants que l’on produit en laboratoire

Et puis, il y a la concurrence des diamants synthétiques qui plombe le business des «vraies» pierres. «ll est aujourd’hui beaucoup moins cher de produire des diamants en laboratoire, poursuit Koen Vandenbempt. Le synthétique est très populaire aux États-Unis. C’est un problème, car la plupart de nos diamants bruts sont destinés à ce pays. La demande est donc en baisse.»

Anvers fait également les frais de son approche restreinte du diamant. On y fait surtout du négoce, une activité qui peut être déplacée géographiquement. Le polissage se fait principalement en Inde.

 47 milliards d’euros de pierres venues du monde entier se négocient chaque année dans les quatre bourses anversoises. Mais ce juteux business se tarit. Il faut en effet creuser toujours plus profond pour trouver du diamant, avec les conséquences humaines et écologiques que l’on devine. Le volume de carats extraits dans le monde est passé de 152 millions il y a quinze ans à 111 en 2023.

 La guerre, elle aussi, s’importe

Enfin, le conflit entre Israël et le Hamas, initié en octobre 2023, a fatalement des répercussions sur le secteur diamantaire. Israël est un acteur clé de la filière, notamment pour les diamants polis. Les tensions dans la région perturbent les chaînes d’approvisionnement et le commerce global des pierres précieuses. Cette situation accentue les difficultés des acteurs traditionnels, à Anvers comme ailleurs.

Selon l’Antwerp World Diamond Centre (AWDC), toutes ces crises, combinées aux exigences éthiques croissantes, amplifient les incertitudes qui pèsent sur le secteur.

En réponse, la Belgique plaide pour élargir les critères d’éthique des diamants et moderniser le secteur face aux défis environnementaux et humains, tout en renforçant son influence dans les pays producteurs africains. Des réformes structurelles s’avèrent urgentes pour contrer le déclin.

Selon un expert cité récemment dans la presse française, il serait également essentiel de rajeunir le diamant anversois et de l’amener vers davantage de modernité. Les banques sont dès lors appelées à réviser leur mode de financement, à se montrer moins frileuses pour aider des jeunes à se lancer dans le business. Et puis, confie-t-il, il est peut-être temps de faire autre chose que du négoce à Anvers. «Aller jusqu’à réaliser des bijoux, par exemple.» 

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